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[Patrick BOUGEARD] Le poids des représentations autour de la machine agricole

jeudi 1er juin 2017
[Patrick BOUGEARD] Le poids des représentations autour de la machine agricole

Voici la retranscription de l’intervention de Patrick Bougeard, président de Solidarité Paysans lors du séminaire sur la Souveraineté technologique des Paysans organisé le 5 avril par InPACT à AgroParisTech. Cette présentation rentre en résonance avec le mode d’expression utilisé par Jérome Laronze, un tracteur face aux gendarmes pour se faire entendre.

Je ne vais pas vous faire ici un exposé scientifique sur le poids des représentations autour de la machine agricole. Je suis paysan à la retraite, pendant toute ma carrière j’ai été hermétique au machinisme et n’aimais pas le tracteur, ce n’était pas la machine en tant que telle qui me dérangeait, mais les astreintes de travail qu’elle m’imposait.

L’organisation du travail sur l’exploitation, pour partie, a donc toujours visé à limiter ma participation au travail des champs et mon temps de présence assis sur un tracteur.

La présentation que je vous propose, que je vous soumets, est donc un témoignage sur des constats et des interrogations. Ces réflexions sont issues de ces 30 années d’exercice du métier de paysan, mais aussi de confrontations avec des collègues paysans sur l’utilisation du revenu, et la place du machinisme dans les investissements et son rôle dans l’organisation du travail.

Cette expérience est également localisée. Je n’ai exercé ma profession qu’en Bretagne, en bordure du bassin rennais. Je pense que, dans les grandes lignes, si le raisonnement est cohérent, il peut s’étendre, mais sa déclinaison, son incarnation au travers de marques, de pratiques particulières par exemple peut varier d’une région à une autre.

Derrière la question des représentations autour de la machine agricole, c’est aussi la place du paysan dans ce processus qui est interrogée. Les deux, dans mon propos seront intimement liés. Le métier doit permettre à tout homme de se valoriser et de s’accomplir, comment est-ce possible pour un agriculteur.
Au préalable, Il me semble important de regarder dans l’histoire la place que la paysannerie a occupée dans la société. Longtemps majoritaire, elle est aujourd’hui devenue ultra minoritaire et ses rapports toujours compliqués avec le reste de la société ont varié selon les époques.

Le paysan, d’abord stigmatisé comme être humain au regard de sa condition, a par la suite été encensé pendant les trente glorieuses, puis de nouveau stigmatisé au titre de sa profession et de ses influences catastrophiques sur l’environnement.
Un élément me parait important de poser avant de démarrer, c’est l’évolution des agriculteurs dans la population générale d’abord en proportion de la population rurale dans la population générale car sur ces périodes on connait mal la répartition des paysans dans la population agricole.

« 50 ans de mutations de l’emploi », une étude parue dans Insee Première – No
1312 le : 29/09/2010 Olivier Marchand de la direction des Statistiques
démographiques et sociales de l’Insee montre l’évolution en proportion des
agriculteurs dans la population active :

On estime qu’en 2014 cette proportion est passée à 1,9 %.

Il me semble qu’il faille regarder au moins quatre axes pour poser la question des représentations autour du machinisme :
• Le premier, est d’ordre historique.
• Le second, abordera la question de l’image.
• Le troisième, examinera l’importance du développement agricole
• Le quatrième concerne la relation complexe du paysan avec la machine tracteur, pas comme outil de travail mais comme identifiant de sa singularité.

1. Le premier est d’ordre historique

Il faut je crois remonter assez loin, à la période où le travail des paysans les attachait à la terre, courbés sous le poids du labeur, où la nature domine l’homme (référence à la période où la population rural représentait 75 % de la population totale). Nombre de peintres, connus ou moins connus, ont à voir la condition des paysans de l’époque : les glaneuses et l’angélus de Millet (1814 - 1875), le rappel des glaneuses des Jules BRETON (1827 - 1906). Elles représentent des hommes et des femmes astreints à un travail harassant. La littérature nous donne également des informations sur la condition des paysans et ses représentations à la fin du XIXème siècle. Le mépris était intense et les justifications faciles. Je citerai volontiers Jean Rohou professeur de littérature à l’université de Rennes de 1961 à 1994 et fils de paysan.

Dans « fils de Ploucs », il affirmait parlant des paysans du XIX° siècle : « leur profession même faisait des paysans des bouseux, des culs-terreux, des êtres plus proches de la grossièreté naturelle que des raffinements de la civilisation ».
Marie-Pierre Philippe-Dussine maître de conférences à l’université de Metz, ajoute : Au XIXe siècle, un consensus semble associer au « paysan » l’image d’un homme rustre et familièrement relié à la terre. L’imaginaire social est alors prompt à assimiler le « paysan » au « bon sauvage » décrit par J.J Rousseau au siècle précédent.

Le paysan à l’origine était la force de travail qui mettait en valeur la terre…tout en lui étant totalement soumis. Le cheval ou les boeufs seront la première source de soulagement, libérant le paysan d’un labeur harassant et permettant d’inverser la domination. La maitrise de la traction permettra au paysan de commencer à façonner la nature et à la dominer. Le paysan acquiert la maitrise de son environnement, il quitte son statut d’être soumis. Les contours d’un métier se définissent, ce qui permet aussi de valoriser son exercice.

La maitrise de la traction c’est aussi l’apparition de la différentiation entre les fermes, au début du 20ème siècle : la petite paysannerie avec quelques vaches, et celles plus conséquentes, disposant de la force de traction (le cheval) monnayant des travaux attelés contre des journées de travail manuel sur leur propre exploitation.
La connaissance, la maitrise et la possession de la traction est donc un élément d’émancipation, de valorisation qui fait sortir le paysan de sa situation d’être dominé.

2. Le second élément et la question de l’image

Comment s’est-elle construite ? Qui était à l’œuvre et sur quels ressorts a-t-on joué ? Un des moments importants de cette construction de l’image, pour moi se situe au sortir de la seconde guerre mondiale. Le plan Marshall, officiellement appelé « Programme de rétablissement européen », sera l’instrument de cette construction.
Si vous cherchez sur internet, les images qui illustrent l’axe agricole de ce plan, vous en trouverez de deux types : un tracteur Massey Harris déchargé sur un port français, et le même tracteur dans une cour de ferme.

Ces images inscrivent dans l’inconscient deux choses :

La première : La modernisation passera par le machinisme. Il est intéressant de s’arrêter sur la mise en scène, l’image du tracteur pendu à sa grue sur le quai d’un port. Il apparait trônant sur un tas de caisses empilées contenant les dits tracteurs importés.
Pourquoi et quelle est l’importance d’avoir sorti ce tracteur de sa caisse si ce n’est la volonté d’identifier que le rétablissement européen et la modernisation de l’agriculture passe obligatoirement par la case machinisme.

La seconde, avec le tracteur dans la cour de ferme, c’est aussi l’endettement qui fait son entrée dans l’univers économique et quotidien des paysans. Là encore la mise en scène de la photo n’est pas neutre. Sur la gauche du tracteur neuf et propre, la génération des anciens : lui est en sabots, sa femme à la main posée sur le tracteur. Sur la droite du tracteur… les jeunes : la femme et son mari en bottes, l’enfant sur l’aile du tracteur. La passation de témoin entre deux générations, le passé et l’avenir… le tracteur, et les bottes dans une moindre mesure, sont le symbole et le vecteur de ce passage de témoin, symbole du changement et de modernité.
Nous avons déjà au sortir de la guerre les bases d’un modèle que l’on appellera dans un premier temps la modernisation, et qui donnera lieu ensuite au productivisme, et enfin au modèle industriel.

L’image c’est aussi au travers de la formation qu’elle se forge. Pour ma génération de paysans, formés par les écoles agricoles du milieu des années 60, c’est le voyage annuel des élèves au salon agricole de Paris. Notre préoccupation principale était de courir les stands pour ramener le paquet de prospectus de tracteurs le plus épais possible.

La compétence et la modernité étaient toujours attachées au tracteur. La machine véhiculait l’image de la modernité, de la diminution de la pénibilité du travail. Elle offrait et ouvrait des perspectives et de l’espoir en termes d’augmentation de production, de revenu et de reconnaissance.

La question de l’image se repose de manière récurrente au cours des décennies. Ce n’est pas tellement qu’elle se repose d’ailleurs, c’est surtout qu’il faut adapter l’image et le discours qui l’entoure à la réalité de l’époque. Dans une société où tout est « 2.0 » (prononcer deux point zéro) définition accommodée à toutes les sauces du quotidien, histoire de faire moderne, le tracteur connecté et le drone intelligent sont l’image aboutie du moment, valorisant la machine et le paysan chef « d’entreprise » car bien sûr outre l’image, les mots pour la qualifier font partie des représentations. Nous verrons plus loin que dans la période, cette fonction est importante.
De même que j’ai parlé plus haut des trois définitions successives du modèle d’agriculture. Correspond à ces différentes périodes, une dénomination du travailleur sur sa ferme, reflétant l’image de cette personne à chaque moment caractéristique.
Au départ il y a Le paysan, la sortie de la guerre avec la modernisation voit apparaitre le vocable d’agriculteur qui se transforme en chef d’entreprise au moment du productivisme et de la plénitude de la mécanisation pour être aujourd’hui dénommé « Agro-manager » avec l’émergence de l’agriculture industriel.

3. Le troisième élément me semble-t-il relève du développement agricole

Les lois d’orientation agricoles de 1960 – 62 à l’origine des transformations radicales des structures agricoles, entrent dans le phénomène de mythification du matériel. Comme je le disais précédemment outre le tracteur, la révolution fourragère en région d’élevage est étroitement liée à la mécanisation, l’ensilage et sa cohorte de machines permettant d’augmenter les volumes, de sécuriser les stocks d’hiver et de rationnaliser la production.

Ces lois d’orientation ont été un élément d’identification d’une profession qui dans un premier temps, a été présenté comme devant nourrir le monde, puis comme facteur déterminant dans l’excédent de la balance commerciale française. Que des définitions positives qui valorisaient le métier et une profession, donc celui qui l’exerçait : l’agriculteur avec la maîtrise des cycles de production, l’augmentation des rendements, la construction d’un outil de production important, facteur de revenu et de reconnaissance sociale.

N’oublions pas que la modernisation de l’agriculture promut par les lois d’orientation agricole avaient également comme objectif assurer au monde agricole une parité des revenus avec les autres secteurs socioprofessionnelle (arrivée en même temps que le tracteur des machines à laver à la maison). Cette course sans fin vers plus de production en volume hectare, mais aussi plus de surfaces a quatre conséquences au regard de la question qui nous préoccupe. D’abord un recours forcené à la mécanisation soit individuellement soit collectivement, mais quel que soit le choix fait par l’agriculteur, la conséquence sur l’image et les représentations autour des technologies et de leur importance ne change pas, la dépendance s’installe.
Un mot sur ce que l’on peut appeler la chimisation de l’agriculture qui accompagne la mécanisation. Elle est présentée comme facteur d’amélioration de la productivité de l’agriculture. Elle nait et se développe en même temps et parce qu’il y a la mécanisation.

Une perte de maîtrise du paysan sur son métier. La charge de travail liée à l’augmentation et à la concentration des moyens de production oblige à des adaptations sur l’exploitation pour faire face. Le paysan délègue ce qui est le plus loin du métier initial : les contrôles techniques, comptable, le suivi de la réglementation administrative, etc… et il se recentre sur ce qui caractérise le métier, le travail de la terre, sur le tracteur qui reste quand même le centre des choses et l’identifiant du paysan. J’ajouterai que le 2.0 ouvre une nouvelle dépendance. Avant le paysan, l’agriculteur pouvait être un peu mécanicien……. peut-il aujourd’hui dépanner les circuits électroniques du tracteur, l’informatique embarqué, les robots etc…

Une dégradation importante de l’image de la profession au regard des attentes de la société civile. Il faut noter que nous sommes passés d’une période déjà citée où des qualificatifs utilisés pour parler du métier de paysan étaient globalement positifs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Comment exister et apparaitre dans cette situation, quand des pans entiers du métier ont été délégués et que la spécialisation de la profession ne laisse au paysan finalement que la réalisation les tâches manuelles les moins valorisantes ?

Qu’est ce qui permet aujourd’hui à l’agriculteur d’avoir une bonne estime de soi, pris qu’il est entre deux mâchoires qui se resserrent de manière inéluctable, la perte d’image et d’importance de la profession et l’absence de revenu qui ne permet même plus de trouver une compensation dans son quotidien. C’est encore le tracteur ou les machines qui permettent de renvoyer à l’environnement une image de réussite.

4. Le quatrième élément concerne la relation complexe du paysan avec la machine tracteur, pas comme outil de travail mais comme identifiant de sa singularité.

Sur cette composante du raisonnement j’ai peu d’éléments à apporter, plus des constats qui pour le coup sont basés sur des observations locales. Le premier concerne la « couleur et la marque ». Généralement les fermes sont identifiées par la couleur et donc la marque des tracteurs utilisés. Les parcs sont homogènes, vous avez rarement des marques différentes de tracteurs dans une cour de ferme et cet attachement à une couleur ou marque varie peu au cours du temps. On peut penser à des traditions familiales, une proximité avec le concessionnaire que sais-je…………… ?

Il y a peu de rationalité dans cet attachement, les arguments avancés par un paysan pour son choix sont les mêmes que ceux qu’avancera son voisin pour un choix différent, solidité, fonctionnalité, puissance relevage etc.
Personnellement je n’ai jamais eu que des tracteurs de couleurs et donc de marques différentes. Ils m’ont toujours rendu les services que je leur demandais. Petite anecdote particulière, lorsque nous avons cédé l’exploitation, j’avais un « John Deere » d’occasion de puissance moyenne. Mon remplaçant s’est empressé de le changer pour un « Deutz » qui est sa marque de référence, l’explication : c’est vrai John Deere est une bonne marque mais je travaille avec du Deutz.

Il quand même est possible d’identifier des constantes qui caractérisent quelques fois des exploitations en fonction des marques utilisées. On peut classer les marques dans trois catégories qui n’ont à mon sens rien à voir avec la qualité réelle de la machine, c’est plus un classement implicite qui a cours chez les paysans de ma région :

  • Les bas de gammes, tracteurs basiques, Lamborgini, Valtra, Landini, Same, caractérisent plutôt des petites exploitations à petit revenu ou des exploitations moyennes voulant plus de puissance à moins cher.
  • Gammes intermédiaires, Claas (ex Renault), Massey-Ferguson, Case, New Holland (ex Ford), Deutz, etc… Marques historiques que l’on trouve dans toutes les fermes qui sont celles auxquelles les paysans s’identifient.
  • Le haut de gamme ou plutôt à forte image : John Deere et Fendt. Ces tracteurs bénéficient d’un statut particulier, car ces marques ont réussi à attacher à leur machines une image plus valorisante que les autres marques. Dans la région d’où je viens, ces marques sont aujourd’hui au regard des paysans celles qui permettent de faire passer le signal de sa réussite technique financière et sociale. Les marques Fendt, (marque des entreprises agricoles) puissance, sérieux, l’image du sérieux de l’Allemagne et John Deere posent l’exploitation comme une ferme moderne, qui réussit et donc le paysan comme un chef d’entreprise avisé.

Dans cette lutte, je constate John Deere tient la corde pour deux raisons :

  • La réussite financière dans une période de marasme, est plus importante à faire apparaitre, car elle valorise mieux l’agriculteur par rapport à ses voisins. Cette marque est réputée plus chère donc si je l’achète c’est que je peux financièrement le faire, elle induit un statut social, « j’ai atteint le Graal ».
  • C’est aussi une marque qui bâtit sa communication sur deux pieds, l’excellence de ses tracteurs comme pour la marque Fendt mais aussi et en plus sur les nouvelles technologiques attachées à la machine mais pas que. Au travers d’un journal « Le Sillon » édité en quatorze langues, distribué gratuitement aux agriculteurs et spécialistes de l’industrie dans les 28 pays européens, en Europe de l’Est, au Proche et au Moyen-Orient ainsi qu’en Afrique du Nord. Il comprend de nombreux articles sur des sujets actuels, les techniques agricoles, des informations produits, des articles d’intérêt local et international en rapport avec leur activité à travers le monde. Servi aux paysans sa communication tourne surtout autour des nouvelles technologies, les tracteurs connectés, les drones intelligents, et les nouvelles technologies en élevage et production végétales. John Deere a saisi l’air du temps, ce qui leur permet de valoriser leur marque et le paysan qui l’utilise, d’inscrire celui-ci dans la dynamique de l’époque de la communauté des Agro-managers connectés.
    Le second concerne la puissance. Il est toujours surprenant de constater l’augmentation de puissance des tracteurs alors que des solutions alternatives existent pour réaliser le travail (entreprises ou CUMA).

Une étude du CER France en 2012 relève deux paradoxes :

D’abord celui de la baisse des hectares et des actifs agricoles « Un autre chiffre interpelle le raisonnement économique : La baisse d’hectares cultivés et la baisse d’actifs agricoles (et par conséquent de chauffeurs potentiels ».
Puis la monté en puissance des tracteurs : « En 2008, la puissance moyenne des tracteurs standards immatriculés en France s’élève à 122 chevaux DIN gagnant ainsi 15 chevaux en 8 ans et donc leur capacité à tracter des matériels de plus en plus performants ».
Au 1er janvier 2013, la Mutualité sociale agricole (MSA) comptait 478.692 exploitants et à la même époque le BCMA dénombrait 1 058 755 tracteurs sur le sol français. Soit 2,2 tracteurs par chef d’exploitation.

L’étude du CER relève que : « Cette statistique du principal outil de travail en agriculture apparaît comme une réelle « bizarrerie » économique. Peut-on imaginer un nombre de taxis en hausse tandis que le nombre de chauffeurs diminuerait et que le nombre de passagers à transporter (ou nombre de kms à parcourir) serait lui aussi à la baisse ? Sauf à imaginer que la fiabilité des taxis se dégradant, chaque chauffeur investit dans 2 taxis, pour les jours où le premier tombe en panne. »
L’explication donnée par la suite n’est pas anodine. « Par ailleurs, ce modèle d’agriculture familiale si chère à la France se traduit par le fait que le chef d’exploitation est aussi le chauffeur du tracteur. Qu’il s’agisse du choix du tracteur et de l’importance de l’image véhiculée par ce dernier, ou des choix des options, nous pourrions parier que si les tracteurs étaient conduits par des salariés, nous assisterions à une probable descente en gamme ».

Je préfère que ce soit un représentant du CER France qui conclut que, dans le choix du tracteur, le besoin de reconnaissance et d’affirmation personnel est un élément déterminant et que la seule cohérence économique n’est pas le seul déterminant.
J’apporte au débat deux exemples qui vont dans le même sens :
D’abord, les manifestations paysannes sont aujourd’hui devenues les vitrines des concessionnaires où la sophistication des tracteurs est antagoniste aux problèmes du monde paysan dénoncés dans ces manifestations.

Le second concerne la modification du comportement des paysans sur la route, là où avec nos tracteurs à 20 Km à heure nous trouvions toujours une brèche pour que les voitures nous doublent, aujourd’hui les grosses machines à 70 Km occupent la route, même si des myriades de voitures les suivent. Il y a donc chez l’agriculteur outre le besoin de reconnaissance et de valorisation le besoin d’une affirmation de puissance, peut-être est-elle la compensation d’une perte d’importance du milieu paysan dans la société ou celui d’affirmer sa présence et son existence quand le métier ne permet plus une identification positive.

Voilà, cette promenade dans les représentations autour de la machine agricole se termine. Le regard sur l’histoire montre à mon avis que les intérêts en jeu n’ont jamais été ceux des paysans, mais ceux des politiques agricoles publiques et de l’agroindustrie. L’agriculture dans ces enjeux est un terrain où se joue des intérêts loin des préoccupations sur des politiques publiques soucieuses de l’occupation du territoire et de l’environnement, de la production d’aliments de qualité mais surtout de l’emploi, de l’autonomie et du bien-être paysan.
Les acteurs institutionnels et industriels ont toujours su adapter les discours aux réalités du moment, valorisant la technique et la technologie pour un environnement dont le centre est présenté comme un meilleur service au des paysans.
Hélas l’histoire nous a montré que celui-ci était toujours la variable d’ajustement et qu’il le restera toujours avec la technologie 2.0.

Je vous remercie

Présentation de Patrick Bougeard lors du séminaire InPACT du 5 avril 2017 sur la souveraineté technique et technologique des paysans : http://www.latelierpaysan.org/Seminaire-INPACT-AgroparisTech