Accueil > Actualités > Une découverte de l’Atelier paysan

Une découverte de l’Atelier paysan

vendredi 19 juillet 2024
Une découverte de l’Atelier paysan

Petit témoignage, presque pas imaginaire, sur la fête des 15 ans de l’Atelier paysan, début juin dans la Drôme.

Allez, c’est décidé : ce week-end du 7 au 9 juin, je me rends à la fête des 15 ans de l’Atelier Paysan pour enfin découvrir cette coopérative et ses différentes facettes.

Je me sens déjà pleine d’énergie en arrivant sur les lieux : nous nous trouvons dans une ferme collective en agroécologie, la Ferme des Volonteux, où oscillent des magnifiques rangées de salades, des grandes serres où la biodiversité règne, ainsi que de superbes rangées d’arbres fruitiers le long desquelles les festivaliers et festivalières ont déjà installé leurs tentes pour le week-end. Autour des visiteurs et visiteuses, j’apprends qu’environ 80 bénévoles s’activent - certain-es depuis plusieurs jours ! - pour faire vivre l’événement.

Je me promène et découvre petit à petit les différents espaces. Mes yeux sont attirés par les chapiteaux aux milles couleurs qui abritent des conférences, les espaces de démonstrations d’outils pour le champ, les espaces pour des ateliers, les jeux pour enfants, les scènes de concert ou encore l’espace conviviale pour se restaurer. Le tout étant réparti sur toute la surface de la ferme, cela me permet profiter pleinement des animations tout en découvrant la ferme et ses différentes productions.

JPEG - 175.1 ko

Au fil de mon parcours, je découvre peu à peu ce qu’est l’Atelier Paysan…

Je commence par assister à deux conférences qui ont lieu sous les chapiteaux : on discute et échange avec les intervenants de l’Atelier Paysan, mais également le collectif des Soulèvements de la Terre et la confédération paysanne. Je comprends alors que l’Atelier Paysan a une portée politique qui vise à défendre l’agriculture paysanne, mais en cherchant à lier cette dimension à celle d’une alimentation choisie pour tous et toutes, y compris les classes populaires.

Cet après-midi-là, étant plus alerte et avisée sur les questions féministes je suis alors ravie de pouvoir assister à une table ronde sur l’approche féministe et les luttes paysannes. Je comprends alors mieux comment les rapports de pouvoir, notamment ceux liés à la division sexuelle du travail, font partie des verrous au développement d’une autonomie paysanne. En sortant de cette table ronde, je croise Agathe, salariée et sociétaire à l’Atelier Paysan, et animatrice de cette table ronde, et l’entends annoncer gaiement : « C’est la première fois que le sujet du féminisme est articulé publiquement avec le projet politique d’autonomie technique, paysanne et alimentaire porté par l’Atelier Paysan ! C’était super de voir, via les nombreux échanges à la fin de la conférence, que ces réflexions résonnaient avec notre public, et en particulier avec nos usagères. C’était aussi l’occasion de se mettre en lien sur ce sujet avec des partenaires, dont le réseau CIVAM et Terre de Liens qui ont participé à ces échanges. »

JPEG - 717.3 ko

La soirée passe, l’ambiance festive est au beau fixe, entre bar et concerts. Je me trouve à discuter avec un paysan de la ferme collective qui accueille la fête . « Tu vois, c’est pour ces moments-là aussi qu’on a monté une ferme », me dit-il d’un air ému.

JPEG - 145.1 ko

En regardant le programme, je vois que le samedi après-midi un atelier « métal » a lieu. J’arrive un peu tard et suis donc simple observatrice. Une participante à l’atelier, débutante, me confie après avoir posé son poste à souder : « je n’étais pas sûre d’en être capable, et pourtant si ! j’ai pu apprendre à souder pour la première fois !  » . Je comprends alors que l’Atelier Paysan c’est rendre accessible l’auto-construction des outils par des formations au travail du métal ou du bois, pour former les paysannes et paysans à auto-construire et assembler leurs outils de production.

JPEG - 3.4 Mo

Un peu plus tard, je tombe au milieu d’une session de démonstration d’outils de l’Atelier Paysan. J’observe attentivement les outils et ne comprenant pas très bien l’usage des outils et leur lien à l’agriculture paysanne et l’agroécologie, je demande à l’animateur, salarié de l’Atelier Paysan travaillant dans la Recherche et le Développement, à quoi sert cet outil qu’on appelle le cultibutte. Il m’explique alors que c’est un outil de travail du sol conçu pour supprimer le labour et préserver ainsi la qualité du sol et sa fertilité. Je lui demande alors si c’est l’Atelier Paysan qui a inventé cet outil. Lorsque j’écoute sa réponse, je réalise que c’était une très bonne question à poser pour comprendre leur travail !

Il m’explique que l’Atelier Paysan n’invente rien, que ce sont les paysannes et paysans qui innovent ! Il m’explique d’une part que des tournées de recensement et des groupes de co-conception sont régulièrement organisées sur les fermes pour identifier et partager les innovations paysannes existantes. D’autre part, il m’indique que la coopérative accompagne des paysans et paysannes qui ont identifié un besoin commun et qui s’efforcent de concevoir un prototype. Suite à ces explorations, les équipes de Recherche & Développement organisent les conditions de diffusion de ces nouveaux outils : adaptations, modélisation, mise en plan....

JPEG - 895.4 ko

Pour rejoindre la vision politique de l’Atelier Paysan sur la défense de l’autonomie technique paysanne et la diffusion de ces techniques, il m’explique que « les plans, nomenclatures et notices de montage sont ensuite diffusés en licence libre auprès de la communauté paysanne. Ainsi, une paysanne ou un paysan ayant des compétences en travail du métal peut fabriquer sur sa ferme son outil grâce à ces plans. »

Je comprends alors mieux la démarche « ascendante » menée à l’AP mais je lui demande naïvement : si moi, paysanne, ne connais pas particulièrement le travail du métal comment fais-je ? Eh bien, me répond-il, « tu peux alors t’inscrire à une de nos formations de travail du métal qui va permettre de te former à la soudure et construire l’outil dont tu auras besoin dans ta ferme. Tu sauras alors réparer et entretenir ton outil et tu seras beaucoup plus autonome qu’avec des outils conventionnels chers à l’achat et dont l’entretien dépendra de tiers. »

De fil en aiguille, je commence alors à enrichir ma connaissance de l’Atelier Paysan : ils cherchent à diffuser les outils paysans puisqu’ils leur plans sont en accès libre et ils rendent l’usage de ces outils accessible techniquement grâce à des formations à l’auto construction !

Le samedi soir, une prise de parole est organisée par l’Atelier Paysan et retrace l’historique de la structure. J’apprends alors que l’Atelier Paysan fût crée en 2009 par Joseph, un maraîcher et Fabrice, technicien. J’apprends qu’au fil des années la communauté de la coopérative s’est largement agrandie à travers de nombreux sociétaires, une communauté paysanne forte, une équipe salariée qui œuvrent au quotidien pour une autonomie technique paysanne par l’entraide et la réappropriation des savoirs et des savoir-faire.

JPEG - 6.9 Mo

« Sur ce week-end, en deux jours, j’ai pu retracer, au travers des différentes rencontres et discussions, toute l’histoire de l’Atelier Paysan, des balbutiements du débuts aux moments grandioses des rencontres, en passant par les galères et les coups de gueules. Je suis passé par tous les états d’âmes, du fou rire aux larmes, à grands coups de bises de poignées de mains et d’accolades, jusqu’à l’extinction de voix et des courbatures aux côtés, d’avoir trop ri ! Moment inoubliable, même s’il manquait quelqu’un qui m’est très cher et à qui on doit beaucoup de tout ça. »

Joseph, co-fondateur de l’Atelier Paysan

Je réalise enfin que l’Atelier Paysan c’est avant tout une histoire humaine, qui a su garder cette veine malgré les obstacles, et que le millier de personnes présentes ici ce soir en témoignent fortement.

Joanne Dire