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Agir sur les freins à la transmission des fermes laitières

Le Civam IT 35 mène depuis 2017 des actions visant à identifier et lever les freins à l’installation/transmission des élevages laitiers en agriculture durable en Bretagne, notamment au travers du concept de restructuration.

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Pourquoi les fermes laitières ne trouvent pas preneurs et preneuse ? Quels sont les freins à leur transmission et comment les lever ? Le Civam IT 35, qui travaille sur la thématique de l’installation-transmission depuis quinze ans avec trois salarié.es dédié.es aujourd’hui, a lancé en 2017 un projet pour « Encourager l’installation/transmission en production laitière en agriculture durable en Bretagne ».

C’est dans ce cadre que l’association composée de paysan.nes, citoyen.nes et personnes morales (collectivités et associations) en est venue à s’intéresser à la restructuration des fermes comme piste pour maintenir une agriculture durable et des emplois sur le territoire.

40% des exploitations à transmettre en élevage
En Bretagne, on ne compte qu’une installation pour environ trois départs et les fermes d’élevage laitier - 40% des exploitations à transmettre - partent souvent à l’agrandissement. D’un côté, beaucoup de futur.es cédant.es pensent que leur ferme n’est pas transmissible. De l’autre, les porteurs et porteuses de projets sont de moins en moins intéressé.es par l’élevage laitier, beaucoup souhaitant s’orienter vers le maraîchage ou des systèmes diversifiés avec peu d’élevage. Dans la région, deux-tiers des personnes qui se présentent au Point accueil installation souhaitent s’installer hors-cadre familial et un tiers des jeunes installé.es ne sont pas issu.es du milieu agricole (Nima). Or, parmi ces dernier.es, seules 14% souhaitent s’installer en élevage bovin lait.

Quelle perception de la transmissibilité ?
Dans une première étape de travail, le Civam 35 IT a réalisé deux études pour mieux comprendre, d’un côté les éléments influençant les futur.es cédant.es dans la perception de la transmissibilité de leur ferme laitière et de l’autre, les freins de l’installation en élevage bovin lait des personnes non issues du milieu agricole.

Pour Juliette Blanchot, animatrice-coordinatrice du Civam IT 35, la transmission-restructuration est une solution mais elle nécessite de lever plusieurs freins. Selon elle, il y a notamment des freins d’ordre psychologique. « Qu’est-ce qu’une transmission réussie s’il y a un changement de production totale ou partielle ? Il y a un travail sur les représentations mutuelles à faire. Il y a des a priori des cédant.es sur les porteurs et porteuses de projets Nima qui, de leur côté, ne vont même pas se poser la question d’aller voir des cédant.es en ferme laitière du fait d’a priori sur les personnes installées en conventionnel, sur l’élevage, etc... ».

Il existe aussi d’autres freins à la transmission lorsque l’on envisage une restructuration. Sur le plan financier, lorsqu’il faut investir dans la reprise et pour créer un nouvel atelier ; sur le plan matériel, notamment en cas de bâtiment non adapté, de foncier à réorganiser... ; sur le plan du travail collectif, que cela soit entre cédant.es et futur.es installé.es lors de la période de transition ou entre plusieurs personnes qui s’installent ; et enfin sur la temporalité, avec des problèmes à résoudre pour accélérer les différents étapes ou commencer la transition de la ferme en amont de la reprise.

Informer et sensibiliser
Après cette phase de diagnostic, l’association a mis en place différentes actions. «  Il n’y a pas d’action uniquement liée à la restructuration, explique Juliette Blanchot, car c’est une question très liée à l’installation et à la transmission en général, on en parle dans des modules de nos parcours existants, en montrant des exemples, des témoignages… On a aussi différentes actions pour informer et sensibiliser. On utilise aussi la restructuration comme un outil de sensibilisation pour les paysan.nes qui pensent que leur ferme n’est pas transmissible. Envisager sa ferme autrement peut être un levier ».

Des groupes mixtes cédant.es/futur.es installé.es
Un module est ainsi intégré dans la formation transmission de 5 jours de l’association. « L’objectif est que les cédant.es puissent imaginer une transmission-restructuration et travailler sur leurs représentations des porteurs et porteuses de projet. On fait un temps sur comment concrètement ça se passerait la transmission, avec des groupes mixtes en partant de leurs vécus et d’un arpentage du livret d’Aita. On essaye aussi de se remettre dans la peau d’un.e jeune installé.e, que les cédant.es se rappellent avec quelle énergie ils et elles l’ont fait. Il y a de l’inquiétude, la crainte que les jeunes ne puissent pas reprendre la ferme et la transformer, qu’ils et elles soient débordé.es. On se sert de travaux de psycho-sociologues. Cela nous aide à comprendre les situations d’angoisse et de freinage de la part des cédant.es. Il y a une grosse pression sur la réussite des repreneurs et repreneuses, l’idée de quelque chose qu’on lègue et une forme de don qui appelle un retour ».

Des actions à long terme et du porte à porte
Lors de ses interventions dans des BPREA maraîchage bio, le Civam IT 35 évoque aussi cette question. « On essaye de les encourager à penser à certaines pistes pour faciliter leur installation, comme la restructuration, car il n’est pas sûr qu’ils trouvent leurs deux hectares. On les incite à croiser différents réseaux. On a aussi une journée un peu plus technique. Sur l’évaluation de la ferme on pose la question : et si elle était reprise autrement ?  »

Une action à long terme est aussi menée pour sensibiliser les acteurs para-agricoles car la vision de la transmissibilité d’une ferme est aussi conditionnée par leurs démarches. « On souhaite outiller les professionnel.les en contact avec les paysans et paysannes pour qu’ils et elles soient des relais. On a fait des rencontres avec les élu.es, la chambre d’agriculture, les chargé.es de clientèle du Crédit mutuel. Mais il n’est pas toujours évident pour ces acteurs de se positionner et cela prend du temps de faire passer le message », note Juliette Blanchot.

Enfin, des actions de porte à porte ont été initiées l’an dernier. « On va discuter avec des agriculteurs et agricultrices de plus de 55 ans. C’est d’abord pour leur parler, voir où ils et elles en sont, identifier les blocages et essayer de lever les freins. La perspective du changement de production peut permettre de lever plein de freins sur la maîtrise du foncier, la rentabilité de la ferme…  », conclut Juliette Blanchot.

Plus d’informations : www.civam.org/encourager-linstallation-transmission-en-production-laitiere