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Restructuration des fermes : bilan de l’axe 1.3.1

Bilan du travail sur la restructuration et l’installation-transmission de l’axe 1.3.1 "Futurs paysan.ne.s : faire soi-même pour redimensionner ".

Partenaires impliqués

L’Atelier paysan, Réseau Civam, Gaec et sociétés, Reneta

Contexte et objectifs

Lutter contre la disparition des paysans et des paysannes
Cet axe, dédié au public spécifique des futur·es et nouveaux et nouvelles installé·es avait pour objectif de construire et d’expérimenter des accompagnements en collectif pour répondre à certains freins à l’installation-transmission, notamment les faibles capacités d’investissement des personnes en projet d’installation ainsi que l’inadéquation entre les fermes à reprendre et les projets d’installation.

Les politiques publiques et l’organisation des marchés favorisent l’agrandissement des fermes depuis plus de 50 ans, comme le montre le dernier recensement agricole. La France ne comptait plus que 389 000 exploitations agricoles en 2020, soit environ 100 000 de moins en 10 ans. Les différentes études et rapports publiés (cf. ressources) pointent par ailleurs les difficultés des paysan·nes à transmettre leurs fermes et celles des jeunes, et surtout moins jeunes, à s’installer. Chaque année, près de la moitié des terres libérées partent à l’agrandissement et 10 000 à 15 000 fermes disparaissent

Or, pour les partenaires de la MCDR UsageR·E·s, le développement du nombre de fermes et de paysan·nes est aujourd’hui nécessaire afin de maintenir une vie économique, sociale et culturelle dans les campagnes et d’engager une transformation de la production agricole dont les objectifs doivent être de limiter les impacts environnementaux et de mieux répondre aux attentes des citoyens (qualité, prix, disponibilité) et des paysan·nes (autonomie, revenus). Ces objectifs sont par ailleurs liés, car l’intensité en emploi est plus élevée dans les fermes diversifiées et consommant moins d’intrants (engrais, pesticides, pétrole) : sortir des monocultures et reconstruire des systèmes agronomiques plus complexes, diversifiés et autonomes (par exemple par rapport aux engrais venants d’Ukraine ou de Russie) demande davantage de bras, de savoirs et de coopération.

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Source : Analyse des freins à l’installation en élevage bovin lait des personnes non issues du milieu agricole. Civam 35. 2018.

Et si on reconfigurait les fermes pour transmettre ?
Les partenaires ont choisi de concentrer leurs réflexions et leurs travaux sur la question de la restructuration des fermes, une problématique spécifique de l’installation/transmission identifiée par le collectif Inpact dans son rapport Restructurer les fermes pour mieux transmettre (cf. ressources). Ce dernier montre notamment qu’il existe une double inadéquation entre les fermes à reprendre et les projets d’installation. La première sur la nature des fermes, dont la taille, les orientations de production ou le prix ne correspondent pas aux demandes des repreneurs et repreneuses. La seconde sur la temporalité de la transmission, souvent différente pour les deux parties.
Le rapport aussi différents freins et leviers à ces transmissions-restructurations définies comme des processus qui impliquent, de façon cumulative ou non, une réorientation de la conduite de l’activité, de la production principale ou de l’usage des terres et des bâtiments ; et qui sont menés avec l’objectif de maintenir ou développer le nombre de paysans et de paysannes sur une même ferme et de contribuer à la transition vers une agroécologie paysanne.

Crédit : Adear de Vendée
Crédit : Adear de Vendée.

Réalisations

2018 : Mise dans le bain et interconnaissance
Dans la première année du projet, en 2018, les partenaires se sont nourris des différents travaux déjà menés sur les questions d’installation/transmission et de restructuration, ont partagé les expériences menées dans leurs réseaux sur ce sujet et ont construit un langage commun sur les questions d’innovation par les usages, d’installation, d’agroécologie…

2019 : Lancement d’une enquête sur la restructuration-transmission
En 2019, les partenaires ont réalisé une note d’intention et arrêté leur méthode de travail sur cet axe, avec l’objectif de réaliser une enquête préliminaire dans une quinzaine de ferme pour identifier des modalités de restructuration susceptibles d’être favorables à des installations, puis la construction et le test, à partir de ces expériences, d’accompagnements pilotes sur ces enjeux d’ici la fin du projet.
L’année a été marquée par de nombreux échanges lors des temps communs ainsi qu’à l’occasion de réunions téléphoniques et physiques dédiées pour construire la grille d’entretien et l’échantillon. Une journée ouverte à des partenaires extérieurs (Terre de liens, Interafocg, Champ des possibles) et aux membres locaux du projet (Civam) a été organisée le 13 septembre 2019 afin d’enrichir ce travail et de former les personnes en charge des enquêtes de terrain. Les premières enquêtes ont démarré fin 2019.

2020 : Finalisation de l’enquête et construction d’accompagnements
La troisième année du projet, les partenaires ont finalisé lors du premier semestre l’enquête collective sur la restructuration des fermes (en étudiant les dimensions matérielles, organisationnelles, relationnelles et/ou juridiques) comme levier pour les installations et transmissions. Des entretiens ont été menés dans 17 fermes et une analyse a permis d’en tirer des enseignements, d’identifier des besoins et d’avancer sur des propositions d’accompagnements adaptés. Afin de continuer à se former et à tisser du lien entre acteurs et actrices de l’installation-transmission, plusieurs partenaires du projet ont par ailleurs participé à la journée dédiée à la transmission organisée par le Réseau Inpact le 25 février 2020.

Le second semestre de l’année a été consacré à la construction d’accompagnements pilotes sur les enjeux de restructuration-transmission et à de premières expérimentations.

  • L’Atelier Paysan a choisi de focaliser son action sur la question des bâtiments agricoles, souvent très problématique dans le cas de reprise sous forme de restructuration. Trois recensements sur des exemples de transformation du bâti ont été réalisés fin 2020, avec l’objectif d’ouvrir les imaginaires concernant des modifications d’usages de bâtiments, de proposer des exemples et référentiels et d’outiller les organisations et partenaires accompagnant l’installation agricole ainsi que les porteurs et porteuses de projets dans leur réflexion sur la reprise de fermes impliquant la restructuration de bâtiments

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  • Réseau CIVAM a réalisé des modules d’accompagnement et commencé à les tester dès 2020. Un module pour des formations cédant·es et repreneur·euses a été déployé à l’occasion d’une journée cédant·es/BPREA dans les Deux-Sèvres et d’une journée dans avec des paysan·nes de l’Indre organisée par l’Adear de l’Indre.
  • Gaec & Sociétés a produit une note l’évaluation du prix des fermes et des bâtiments comme ressources pour les personnes souhaitant céder ou reprendre une
    exploitation agricole.
  • Le Reneta s’est focalisé sur la promotion des outils de tests comme pouvant être mobilisés dans des cas de reprises sous forme de restructuration.

2021/2022 : Valorisation et diffusion
L’année a été principalement consacrée à capitaliser sur ces accompagnements et réaliser différents outils de valorisation et de diffusion. Pour cela, une réunion de bilan a eu lieu avec le Civam IT 35, qui travaille sur la thématique de l’installation-transmission depuis quinze ans et a lancé en 2017 un projet pour « Encourager l’installation/transmission en production laitière en agriculture durable en Bretagne ».

Les partenaires ont aussi produit le document « Restructurer pour mieux transmettre : retours d’expériences pour un nouvel accompagnement des cédant·es et des repreneur·euses issus de la MCDR UsageR·E·s » a été publié à l’automne 2021. Il recense les freins et les leviers rencontrés dans les transmissions-restructurations étudiées, décrit quelques accompagnements proposés et invite à la mise en place de nouvelles actions en matière d’accompagnement afin d’engager un plus grand nombre de personnes dans des transmissions fertiles. Ce document a été diffusé en septembre 2021 à l’occasion du séminaire sur la transmission des fermes organisé par les partenaires de la MCDR Terreau (Transfert d’expériences réussies en rural : essaimage, agricultures, usages) au Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Apprentissages et préconisations

L’essentiel des enseignements et préconisations tirés du travail mené dans cet axe sont présentés dans le document « Restructurer pour mieux transmettre : retours d’expériences pour un nouvel accompagnement des cédant·es et des repreneur·euses issus de la MCDR UsageR·E·s » (cf. ressources)

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Enseignements sur les freins à la restructuration
Le principal frein cité lors des transmissions sous forme de restructuration est le coût des reprises, notamment pour des « grosses » fermes avec des infrastructures coûteuses ou en mauvais état, comme bien souvent en élevage. Le coût et mauvais état des bâtiments s’avère encore plus problématique dans le cas de restructurations avec des changements d’affectation de bâtiments. Parmi les autres freins identifiés figurent le manque de compétences de certains repreneurs et repreneuses concernant la rénovation de bâtiments, la fatigue et l’épuisement de travaux d’aménagement et d’auto-réhabilitation souvent longs, des difficultés d’accès au foncier et des problématiques de relations humaines avec les cédant·es…

Enseignements sur les leviers pour faciliter la restructuration
Le travail d’enquête a montré que le temps nécessaire pour mener à bien le processus de transmission-restructuration et la complexité des transformations engagées rendent l’implication des cédant·es encore plus importante dans ces formes de reprise. D’autres leviers potentiels sont à confirmer comme le fait que la transmission se fasse dans un cadre familial ou la progressivité des transmissions-restructurations. Les enquêtes ont aussi fait ressortir l’importance des capacités des repreneurs et repreneuses à adapter leur projet aux contraintes de la ferme, du choix d’une restructuration progressive ou de leurs compétences et connaissance en matière de travaux, d’outils et sur les aspects juridiques. Parmi les autres facteurs, figurent l’apport financier des porteurs et porteuses de projet, les aides à l’installation/investissement, la reprise en collectif, l’utilisation de certains montages et structures juridiques, le test d’activité…

Préconisations sur les accompagnements à la restructuration
Différentes pistes pour améliorer l’accompagnement à la transmission-restructuration ont été identifiées pour les cédants et cédantes, notamment sur la question des relations humaines ou sur l’ouverture à d’autres pistes qu’une transmission à l’identique de la ferme et de ses activités.
Les partenaires ont également soulevé des besoins de formation et d’accompagnement pour les repreneurs et repreneuses sur les questions économiques et juridiques liés à la restructuration (par exemple, pour estimer le prix d’un bâtiment ou travaux, sur les statuts ou montages adaptés, les sources de financement…) et sur les relations humaines.
Enfin, les enquêtes et accompagnements ont montré qu’il existait un enjeu à soutenir, faire connaître et multiplier les outils existants, notamment les espaces-test agricoles, les coopératives d’installation en agriculture paysanne et le dispositif du droit à l’essai qui a été mis en place par Gaec & sociétés dans quelques départements.

Crédit : Reneta
Crédit : Reneta.

Synthèse des préconisations sur l’accompagnement à la restructuration

Pour nos organisations et nos partenaires

  • Intégrer la restructuration paysanne à l’accompagnement à l’installation-transmission (des groupes, cédants, repreneurs) par nos réseaux et les réseaux partenaires

Pour les politiques publiques

  • Financer un accompagnement des futur.es cédant·es et des futur.es repreneur·euses pour la reconception de systèmes d’exploitation (aides, évaluation, accompagnement/approches filières, bâtiments, statuts, accompagnement humain et des collectifs).
  • Intégrer la restructuration paysanne dans le parcours à l’installation/ à l’émergence (PPP, PAI, stage 21h, idée au projet) et dans l’enseignement agricole.
Ressources

Restructurer pour mieux transmettre : retours d’expériences pour un nouvel accompagnement des cédant·es et des repreneur·euses issus de la MCDR UsageR·E·s
Quels outils pour évaluer les bâtiments agricoles dans le cadre d’une reprise ? G&S. 2021.

Articles
Transformation du bâti : trois exemples de restructuration
Agir sur les freins à la transmission des fermes laitières
Le pôle InPACT plaide pour l’installation de plus d’un million de paysans
Une étude comparative des statuts Gaec et Scop
Le droit à l’essai pour accompagner les installations-transmissions

Autres ressources